Proposition de post sur mes demandes groupées.
A relire et commenter
Merci
Pascal
Les données essentielles…ou pas
Après avoir incité les autorités publiques à libérer leurs données administratives, plusieurs initiatives ont vu le jour en France pour en harmoniser la structuration. L’État propose un espace de publication pour des schémas de données standardisés à portée nationale.
De son côté l’association Opendata France propose un socle de données essentielles disponibles dans les autorités publiques locales comme les départements, les régions, les communes ou les communautés de communes.
Afin d’appuyer ces démarches, le législateur a publié plusieurs arrêtés relatifs aux données essentielles à la transparence de l’action publique :
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Arrêté du 17 novembre 2017 relatif aux conditions de mises à disposition des données essentielles des conventions de subvention
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Arrêté du 22 mars 2019 relatif aux données essentielles dans la commande publique
Pour ceux et celles qui ne seraient pas familiers avec le fonctionnement des autorités publiques locales cela signifie que chaque fois qu’une autorité publique souhaite acheter quelque chose ou verser une aide financière à une association ou à une autre autorité publique, elle doit rendre ces informations publiques.
En complément des données budgétaires contenant le détail des recettes et dépenses réalisées pendant une année par une autorité publique, ces jeux de données constituent le socle minimal de la transparence et de la capacité à rendre compte de l’usage de l’argent public par les administrations locales.
La commande publique au petit trot.
2 ans après la publication de l’arrêté concernant la commande publique et à quelques mois de la fin des mandats des conseillers généraux, nous avons utilisé les fonctionnalités avancées de Madada ++ pour effectuer une évaluation de la mise en œuvre de ces dispositifs réglementaires.
Nous avons donc envoyés des demandes aux 97 départements pour lesquels nous avions pu récupérer une adresse email de contact en faisant référence au cadre réglementaire et aux schémas de standardisation faisant références au formalisme suivant lequel nous souhaitions recevoir ces données.
Après 4 mois et une démarche de recours gracieux quasiment systématique (pas de réponse au bout du délai légal d’un mois), nous avons obtenu 25 réponses positives ou partiellement positives sur 94 départements auxquels nos demandes sont effectivement parvenues. La plupart du temps le jeu de données demandé ne nous a pas été transmis directement mais un lien vers la plate-forme d’échange entre les entreprises et l’autorité publique (appelée « place de marché » dans le jargon administratif) nous a été fourni. Dans certains cas, ces interfaces applicatives contenaient une section ou un critère de sélection permettant de rechercher les fameuses données essentielles. Dans certains cas, la liste de résultats retournée était exportable au format XML ou Json suivant le formalisme défini par le législateur. Dans d’autres ces données essentielles n’étaient consultables que de manière unitaire ce qui signifie qu’au lieu de la liste consolidée demandée, il nous aurait fallu cliquer sur la fiche de chaque marché attribué pour récupérer les données essentielles et réaliser l’agrégation annuelle par nous-mêmes.
Dans un grand nombre de cas (36%) les autorités publiques n’ont pas répondu. Soit parce qu’elle ne le souhaitait pas, soit parce qu’elles n’en avaient pas les moyens techniques et organisationnels soit parce que notre demande ne leur est pas parvenue. Cela pose un autre problème d’exercice du droit par les citoyennes et citoyens français de leur droit d’accès à l’information. L’article L.330-1 du CRPA dispose en effet que « Les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 sont tenues de désigner une personne responsable de l’accès aux documents et des questions relatives à la réutilisation des informations publiques, dans les cas prévus par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission d’accès aux documents administratifs. Ce décret détermine également les conditions de cette désignation. ». Malheureusement cette obligation n’est quasiment jamais mise en œuvre et très peu d’autorités publiques affichent sur leurs sites internet institutionnels les coordonnées de la personne responsable de l’accès aux documents administratifs (PRADA).
Dans le cas où elles ont répondu nous avons obtenu 8 réponses positives de la part de Conseils départementaux dirigés par un parti de gauche (27,6%) et 17 de la part de Conseils départementaux dirigés par un parti de droite (26,2 %). L’absence de transparence de la commande publique n’est donc l’apanage d’aucune couleur politique.
Les subventions au pas
Concernant les subventions accordées le constat est encore pire : nous n’avons obtenu que 19 réponses positives sur 94 demandes transmises (17% pour les départements de gauche et 21,5% pour les départements de droite). Ce constat est d’autant plus amer que ces données devraient figurer dans les outils de pilotage financier des autorités publiques locales (à moins d’imaginer qu’il n’y a aucun contrôle d’effectivité sur l’argent distribué aux associations ou autorités publiques locales de la part des Conseils départementaux) et qu’elles figurent dans les délibérations et les données budgétaires transmises à l’État pour l’exercice du contrôle de légalité. En effet, malgré l’organisation (théoriquement) décentralisée de l’action publique et l’autonomie (relative) financière des collectivités locales, elles ont l’obligation de transmettre à la préfecture de leur ressort territorial les décisions politiques votées par les élues et élus locaux en assemblée pour que celui-ci puisse juger de la légalité de leurs actions.
Chaque année les départements transmettent aux services de l’État leurs comptes administratifs, votées en assemblée plénière, afin que ceux-ci vérifient la sincérité de recettes et des dépenses réalisées. En annexe de ces documents, on trouve le récapitulatif des subventions accordées. Cette transmission doit s’effectuer de manière électronique pour les Départements depuis 2020 en vertu des articles 106 à 111 de la Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Malgré cela plusieurs autorités départementales nous ont répondu en nous indiquant la section de leur site Internet où étaient publiés leurs comptes administratifs au format PDF ou la liste de leurs délibérations (également en PDF). Ce type de réponse témoigne, on l’espère, d’un manque de culture numérique. Sinon elle pourrait être interprétée comme une obstruction à l’exercice du droit d’accès à l’information.
La transparence financière, enjeu des prochaines élections locales ?
Alors que la plupart des obligations faites aux autorités publiques locales en matière de transparence financière ont été réglementée par décret ou arrêté depuis 2 à 4 ans, certaines autorités publiques n’ont pas hésité à invoquer la crise sanitaire ou le coût de production des données demandées pour justifier leur incapacité à répondre positivement à nos demandes d’accès. Bien que la France jouisse d’un rang flatteur dans le baromètre des données ouvertes établi par la fondation Word Wild Web il nous est permis de douter de la capacité à rendre compte de l’action publique au niveau local. A quelques mois des échéances électorales, il y a fort à parier que cet enjeu sera à nouveau absent des débats et des programmes contribuant ainsi à approfondir le désenchantement des citoyennes et citoyens français pour leurs représentantes et représentants politiques.